• Conférence de presse du MAK sur la situation de la Kabylie

    Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) a tenu une réunion de ses cadres à Mareghna, en Kabylie, le vendredi 10 mars. C’était l’occasion de se pencher sur la situation qui prévaut en Kabylie actuellement.

    Le dimanche 12 mars, MM Ferhat Mehenni, Ahmed Aït-Bachir, Ahcene Belkacemi, Saïd Laïmichi et Achour Bensalem ont animé une conférence de presse à la Médiathèque de Tizi-Ouzou pour rendre compte de la réunion de Mareghna et faire part de leur analyse de la situation.

    Ci-dessous le communiqué de presse rendu public ce dimanche 12 mars par les animateurs de la conférence de presse.

    TIMANIT I TMURT N IQVAYLIYEN
    MOUVEMENT POUR L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE
    M.A.K
    Conférence de presse La réunion que les cadres du M.A.K viennent de tenir à Marghna (commune d’Illoula ou Malou) vendredi 10/03/06 a débuté après le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe d’Ameziane Mehenni. Ses travaux ont porté sur l’analyse de la situation de l’Algérie en général et de la Kabylie en particulier. Les conclusions qui en sont tirées sont particulièrement alarmantes pour notre région martyre.

    Depuis près de cinq ans en effet, la Kabylie, plus qu’aucune autre partie du pays, est livrée, à un climat d’insécurité qui gangrène le quotidien des citoyens. Après les massacres du « printemps noir » la région subit la loi de toutes sortes de banditisme, du racket et des kidnappings opérés par les groupes terroristes salafistes ou mafieux. Il ne se passe presque plus de jour sans que l’on y enregistre un meurtre crapuleux. Il est évident que l’Etat a les moyens d’y mettre un terme. Tout porte à croire qu’il s’y refuse obstinément en représailles contre le départ des gendarmes de quelques localités où leurs brigades évacuées ont été détruites après leurs crimes de 2001-2003.

    La drogue et la prostitution y constituent des fléaux sur lesquels les services de sécurité auraient reçu l’ordre de fermer les yeux.

    Sur le plan économique, les 2 milliards de dollars annoncés pour la reconstruction de la région, après cinq ans de troubles, sont pour le moment invisibles. Il est inadmissible que seuls les Walis qui ne sont pas élus aient le monopole de leur affectation. Nous suggérons qu’une commission de contrôle de la destination des fonds soit créée au sein de chaque APW (Conseil régional) pour en suivre et contrôler la consommation et la réalité des dépenses. Il est inadmissible encore que les décisions de ces instances élues soient soumises au veto du Wali qui en fait ce qu’il veut.

    Par ailleurs, la fermeture de l’aéroport de Vgayet pour cause de réfection de sa piste d’atterrissage, à partir de septembre 2006, ne serait qu’un prétexte pour y supprimer les vols internationaux au profit de l’aéroport de Sétif. Ce qui serait une autre preuve flagrante de discrimination contre la Kabylie.

    Sur le plan culturel, seule une clientèle acquise au pouvoir bénéficie de quelques miettes comme prix d’humiliation de sa région. Heureusement que Berbère-tv existe en France pour l’expression des talents de la liberté.

    L’offensive que mène le pouvoir algérien contre le Droit, à l’échelle de l’ensemble du pays, se caractérise d’un côté par les atteintes à la liberté de la presse, et de l’autre par la mise en œuvre de la loi portant application de la « charte pour la réconciliation nationale ». La libération, en vertu de cette loi, de milliers de terroristes contraste avec l’emprisonnement des journalistes. Ceux-ci sont, Mohamed Benchicou à leur tête, les derniers prisonniers politiques du pays.

    Quant à la remise en liberté de criminels de sang au motif qu’ils avaient tué au nom d’une idéologie islamiste ne manquera pas de ramener l’Algérie à 1991-92 et probablement à une nouvelle déstabilisation des fondements de l’Etat qui, déjà, se plie à la « charia ». Les appels à la prière par toutes les radios et toutes les télévisions cinq fois par jour, décidée récemment, sont un gage du pouvoir donné à l’intégrisme et une volonté affichée de se conformer au dictat des terroristes. L’Algérie s’éloigne ainsi plus que jamais de la perspective d’une réelle démocratie et risque, même à court terme, de faire peser sur les Etats de la Méditerranée de graves menaces terroristes. L’Algérie vient de transformer la défaite militaire des salafistes en leur victoire politique totale. Et c’est bombant le torse et chantonnant « aliha nahia, aliha namut » (c’est pour l’Etat islamique nous vivons, pour lui nous mourrons) que les libérées sont rentrés chez eux où ils sont accueillis en héros. L’Etat islamiste est déjà là. La Kabylie qui, selon les résultats officiels du referendum du 29/09/05, a boycotté à près de 90% ladite consultation, met en garde contre toute dérive restreignant les libertés démocratiques en Algérie en général et chez elle en particulier. Le MAK qui condamne toute violence politique est une fois de plus, par la tournure que prennent les événements et les perspectives politiques dangereuses du pays, conforté dans la justesse de son combat pacifique et démocratique pour l’autonomie de la Kabylie. Il plaide en faveur de la raison et du sens des responsabilités pour une évolution ordonnée vers la mise en place d’un Etat régional local.

    La fermeture des écoles privées à partir de la fin de l’année scolaire en cours est un coup porté à la qualité de l’enseignement que l’on ampute d’un élément de comparaison et d’émulation, comme on ampute la Kabylie de la possibilité de développer des compétences et des cadres de valeur internationale formés dans des langues et des culture de la science et de la rationalité. Le pouvoir est mal inspiré de revenir aux réflexes des années de dictature pendant lesquelles il était obnubilé par sa soif de tout arabiser, de tout islamiser et d’effacer toute trace de kabyle, de tamazight ou de français chez nous. C’est ce qui a mené le pays aux années de terrorisme islamiste dont, par ailleurs, il n’est pas près de sortir ; surtout depuis (et surtout à cause de) l’amnistie en faveur des sanguinaires du GIA et du GSPC.

    Nous saisissons cette opportunité pour, également, interpeller les élus kabyles, eux qui ont pris le risque d’aller gérer la misère de nos municipalités et de nos départements, sur leurs intentions réelles et leurs projets de développements socio-économiques et culturels. Peuvent-ils informer régulièrement leurs électeurs sur les moyens dont ils disposent pour réaliser leurs objectifs ? Peuvent-ils communiquer sur les blocages administratifs qu’ils rencontrent devant les commis de l’Etat qui les contrôlent et les limitent dans leurs projets ? Malgré toute cette situation alarmante, le peuple kabyle ne doit pas céder au désespoir. Le MAK sera toujours là pour exprimer ses aspirations à l’existence, à la dignité et à ses propres institutions dans le cadre d’une Algérie plurielle.

    Abordant le volet organique, les cadres du MAK ont décidé d’accentuer la structuration de leur organisation et de faire du 5 juin prochain, 5e anniversaire de la revendication autonomiste, un pré-congrès en vue de la tenue de ses assises avant la fin de l’année, dans la mesure du possible. Les intellectuels de la région sont invités à y apporter leurs réflexions. Il a été aussi décidé de marcher le 20 avril prochain. De préférence avec d’autres, mais seul s’il le faut.

    Enfin, le MAK alerte l’opinion sur les poursuites engagées à l’Université de Tizi-Ouzou contre trois (03) de ses militants soumis encore à un contrôle judiciaire.

    Tizi-Ouzou, le 12 mars 2006