• Déclaration du MAK au Forum social européen (FSE)

    A l’occasion du troisème Forum social européen qui se tient à Paris et Saint-Denis du 12 au 17 novembre, le MAK a tenu à marquer sa présence à cette occasion. Il a rendu publique une déclaration que nous publions dans son intégralité.

    TIMANIT I TMURT N YEQVAYLIYEN
    MOUVEMENT POUR L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE
    MAK
    La Kabylie et l’Europe Le Forum Social Européen, dans son édition d’aujourd’hui, a eu du mal à faire une place à un débat sur la Kabylie. Les organisations pro arabes qui siègent dans son comité organisateur ont manifesté une hostilité insoupçonnée à inscrire la question kabyle à l’ordre du jour des ateliers programmés du 12 au 15 novembre 2003. Cette opposition illustre toute la difficulté qu’il y aura, pour les alter mondialistes, à construire une autre Europe et un autre monde avec les vieilles idées, les vieux réflexes et les vieux problèmes qui saturent encore l’actualité. Pour quelques “progressistes” associations, il faut que le “monde arabe” qui fait de la question palestinienne son cheval de bataille, occupe le maximum d’espace pour parvenir à le faire passer pour la seule victime du monde. Ainsi, pour faire entendre la voix des Arabes il faut éteindre toutes celles des autres ; pour amplifier la voix de la Palestine il faut étouffer celle de la Kabylie. Décidément, l’humanité a encore un long chemin à faire pour se concevoir solidaire.

    Le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie salue toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour que nous soyons ce soir à cette tribune. C’est une victoire de la justice et du bon sens que d’avoir permis à la Kabylie de sensibiliser l’opinion internationale sur son martyr afin de prévenir d’autres massacres de ses enfants, comme celui du “printemps noir” 2001, par un pouvoir algérien qui dénie aux Kabyles le droit d’être un peuple. Le Forum Social Européen pourra, sans aucun doute, tirer profit de l’étude de la question kabyle et de la façon dont agissent celles et ceux qui militent en faveur de sa solution.

    En effet, bien que se retrouvant depuis longtemps en situation d’opprimée, et depuis avril 2001 en situation de légitime défense, la Kabylie demeure pacifique et persévère dans sa volonté à résoudre son problème avec l’état algérien par des moyens démocratiques. De ce point de vue, la Kabylie est un autre Tibet, sans le Dalaï Lama mais plus militant. La démarche kabyle, en inspirant d’autres peuples encore opprimés, participera à l’apaisement des conflits dans le monde en les orientant sur des voies de solutions politiques négociées, ainsi qu’à éviter des guerres dont les séquelles psychologiques demeurent toujours autant de torchères pouvant déclencher à tous moments d’autres incendies ou à transformer de jeunes idéalistes en bombes humaines, comme cela se voit ailleurs.

    Région méditerranéenne, proche de l’Europe, la Kabylie a surtout été pour la France une source de main d’œuvre depuis la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui, il y a, approximativement, plus de deux millions d’Européens d’origine kabyle qui, en gardant le lien avec la Kabylie, y diffusent et nourrissent des valeurs qui jettent les ponts entre nos deux rives et génèrent une culture de la complémentarité, du respect de chacun et des vertus du dialogue aux antipodes du terrorisme et des intégrismes. La Kabylie, en étant une sorte de chancellerie de l’Europe sur le sol nord-africain, est une chance offerte à tous, à l’Europe comme à l’Afrique du Nord, de développer de fructueuses relations de coopération et d’échange équitable. Le FSE se doit donc d’intervenir par ses relais et ses médias pour faire connaître à l’échelle internationale le problème kabyle et pour arrêter la répression qui frappe cette région d’Algérie.

    Par sa détermination à construire son autonomie régionale, à se faire sans avoir à défaire l’Algérie ni à remettre en cause le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, elle montre à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) la manière de solutionner, à moindres frais politiques, les conflits dont est grosse toute l’Afrique. En effet, cette dernière charcutée au gré des intérêts de l’Europe coloniale des siècles derniers, a de la peine à trouver la paix dans des pays où le pouvoir est avant tout affaire de domination d’une ethnie sur d’autres. La construction nationale pour chacun d’entre eux est, au mieux, une épreuve à hauts risques lorsqu’elle n’est pas qu’un leurre. Dès lors que la démocratie y est synonyme de la mort des peuples et des identités minoritaires au profit de la communauté ethnique majoritaire, dès lors que la démocratie y est gangrenée par des relents de racisme, elle constitue une menace permanente contre la paix. Seules des systèmes fédéraux ou d’autonomies régionales sont en mesure d’apporter la stabilité politique et la paix civile dans les pays africains. L’humanité est interpellée pour pousser l’Afrique et les ex colonies orientales vers des conceptions de pouvoir régionaux afin d’atténuer les tensions nationalistes à l’intérieur de chaque pays. La prospérité des peuples en dépend.

    Le Forum Social Européen qui aspire à changer le vieux continent en attendant de changer le monde a également à repenser les flux migratoires humains. De tous temps les hommes et les femmes fuient la misère et la guerre, partent à la recherche de la vie et de la liberté. Les quatre-vingt mille Kabyles sans-papiers en France sont de ceux-là. Ils ne sont pas là pour s’enrichir mais pour se mettre à l’abri du danger en attendant que leur chère terre de Kabylie retrouve enfin calme et sérénité qui leur permettront, demain, d’en faire le sanctuaire du respect des libertés, des droits humains et de la justice sociale. Ils sont aujourd’hui acteurs dans le FSE et participent à la construction d’un autre monde plus humain et plus équitable. Si ce Forum les abandonne aux charters de rapatriements que voudrait affréter le gouvernement français, en accord avec celui d’Alger, il aura failli à sa mission de bâtir un autre monde en fermant les yeux devant le crime de les livrer à leurs bourreaux. Les Kabyles sans-papiers ouvrent droit à une régularisation de leur situation en France en tant que réfugiés de guerre.

    Saint-Denis, le 13 novembre 2003 P/ le MAK,
    Ferhat MEHENNI,
    Porte-parole