• Déclaration liminaire de Ferhat Mehenni à l’occasion des 5 ans du MAK

    Dimanche 4 juin 2006, le porte parole du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, a animé une conférence de presse au siège du quotidien L’Expression à Tizi-Ouzou.

    Le MAK a cinq ans ! En cinq ans, le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie a réalisé un travail de titan. Apparue le 5 juin 2001, dans un contexte historique marqué par une agression sans précédent de l’Etat algérien contre la Kabylie, sa revendication d’autonomie régionale pour cette partie de l’Algérie avait alors heurté les idées reçues du fait d’une conscience nationale formatée, depuis déjà 75 ans, par le centralisme politique, qu’il soit jacobin ou stalinien. C’est dire combien, le MAK a nagé les premiers temps à contre-courant d’une idéologie très enracinée, y compris chez les “démocrates”.

    Grâce à sa ténacité face aux menaces et aux intimidations, grâce à sa fermeté face aux calomnies et aux multiples tentatives d’amalgame, savamment orchestrées par la plupart des médias et l’ensemble des forces politiques, nationales ou locales, pour faire passer l’autonomie régionale pour une sécession et/ou une indépendance, le MAK n’a jamais cessé de progresser dans l’opinion kabyle. Aujourd’hui, cette revendication est largement majoritaire au sein du peuple de la région. Le débat porte désormais davantage sur les modalités de sa réalisation que sur ses motivations qui sont largement assimilées et dépassées dans les débats publics. C’est probablement pour nous châtier d’un tel succès qu’Ameziane, mon fils aîné, fut assassiné le 19 juin 2004.

    Sur le plan de l’audience le MAK a acquis une respectabilité locale et internationale. Les positions politiques de notre Mouvement sont très appréciées au point que durant la campagne référendaire sur “la charte pour la paix et la réconciliation nationale” notre point de vue a été partagé par près de 90% de l’opinion kabyle. Au niveau international, le MAK a brillé par ses interventions auprès de l’ONU en 2001, de l’Europe en 2002/2003, des Etats-Unis et du Québec en 2003 et de la Catalogne qui nous a invité autant à la conférence sur les Amazighs organisée par l’Institut Euro Méditerranéen qu’à celle organisée par le gouvernement local sur “les Nations Sans Etat” en 2005.

    A l’intérieur de notre société, le rôle pédagogique que nous nous assignons tranche sur les objectifs de pouvoir que toutes les organisations politiques se fixent légitimement comme horizon. Il démontre combien le fait de militer pour des buts d’intérêt général est possible et réel. Par conséquent tout n’est pas pourri sous le ciel de la politique comme on veut le faire croire. La désaffection du “politique” recherchée par le pouvoir en Kabylie en cooptant des personnalités ou des formations locales par besoin de gommer les repères qu’elles constituaient jusque là s’évanouit dès lors qu’il y des femmes et des hommes, particulièrement dans le MAK ou en dehors de lui, qui réinventent la droiture et l’intégrité morale, l’espoir et la conviction en des voies et solutions sortant des sentiers battus. La revendication d’une autonomie régionale pour la Kabylie a empêché l’effondrement politique de celle-ci après le fiasco des Archs dont, par ailleurs, nous portons tous une part de responsabilité. Le MAK est le dernier recours contre le chaos dans la région. Il est le gardien qui veille sur les intérêts et les valeurs de celle-ci en attendant d’en réaliser le destin de liberté dans la démocratie et la solidarité.

    A cette effet, une nouvelle démarche de rassemblement des potentialités démocratiques de la Kabylie, initiée par des individualités, a vu le soutien et l’implication du MAK dans sa mise en œuvre : la “Déclaration de Tifrit” (14/04/06) puis la marche d’Akbou le 20 avril dernier et bientôt la “Conférence Régionale” participent d’une dynamique pacifique pour réhabiliter la politique comme étant l’art du possible. Aux divisions, à l’invective et aux violences qui, depuis 1989, ont caractérisé les gestes et les comportements des formations et des militants politiques locaux, nous substituons une démarche de partenariat basé sur le respect du point de vue de chacun et la solidarité dans l’action.

    Nous abordons l’avenir de notre Mouvement avec sérénité. A l’échelle internationale, nous avons pu voir le peuple kurde accéder constitutionnellement à son autonomie régionale et le Monténégro à un retrait sans violence de son alliance avec la Serbie. Le Maroc qui jusqu’ici restait inflexible sur la question du Sahara Occidental vient de faire un pas en proposant un statut d’autonomie régionale à l’ex enclave espagnole. Sans vouloir spéculer sur ces cas, ils nous servent d’illustration pour signaler une évolution significative des idées et des situations dans le monde. La récente prise de position de l’écrivain algérien Rachid Boudjedra qui se dit “favorable à un Etat kabyle” va dans le sens de cette évolution politique et intellectuelle mondiale à travers laquelle les fédéralismes et les autonomies régionales apparaissent comme les nouvelles solutions de raison pour éviter la violence et l’éclatement des pays issus particulièrement de la décolonisation.

    C’est dans ce cadre que nous nous apprêtons à boycotter en Kabylie la prochaine révision constitutionnelle qui ne consacrera pas le droit de la Kabylie à ses propres institutions et à son Etat régional. Nous souhaitons d’ores et déjà conjuguer nos efforts avec l’ensemble des forces démocratiques de la région pour que la nouvelle Loi Fondamentale soit nulle et non avenue en Kabylie et pour le peuple kabyle.

    Le MAK s’inquiète des conséquences de l’alliance stratégique réalisée à travers “la réconciliation nationale” entre l’islamisme des maquis et l’arabisme du pouvoir pour combattre la Kabylie. Après l’échec des imams intégristes ramenés à coups de millions de dollars par les tenants du pouvoir depuis l’Egypte, la Syrie et les pays du Moyen-Orient dans l’objectif de dépersonnaliser la Kabylie, insulter nos femmes qui ne portaient jamais le voile jusque-là, embrigader notre jeunesse au service du terrorisme salafiste international, nous craignons que cette alliance diabolique ne recoure bientôt à des actes de violence terroriste sur les personnalités de la région pour venir à bout de notre résistance et de notre identité. Dans ce cas de figure, l’arrivée à la tête du gouvernement d’un islamo baathiste comme M. Belkhadem n’augure rien de bon pour nous. Ses déclarations hostiles à la Kabylie lors de son passage sur Berbère-tv en septembre dernier nous donnent déjà froid dans le dos et la libération des quelques trois mille cinq cents (3500) terroristes islamistes n’est pas faite pour nous rassurer, loin s’en faut. Ces derniers à qui une prime pour crimes rendus à la nation est scandaleusement octroyée seront sûrement les instruments d’une nouvelle barbarie programmée dans la région. Aussi, nous alertons dès maintenant l’opinion nationale et internationale sur les possibles dérives imminentes du régime algérien allié aux troupes de Ben Laden dans notre région, pour un autre Darfour.

    Dans tous les cas, le MAK continuera inlassablement son action pacifique et politique pour éviter le pire et protéger la Kabylie de tous les prédateurs.

    Kabylie, le 4 juin 2006.

    P/Le MAK,
    Ferhat MEHENNI,
    porte-parole